Date Heure Identifiant Commune Dépt
 14/06/2006   04:07   Fabruccio  Saint-Joseph 974
Profession Date supposée Type témoignage Lieu supposé
   01/03/2006  Déclaration et suivi Ravine

TEMOIGNAGE

 

Ce mercredi avait été une dure journée. Tout d’abord, je devais offrir à ma clio une vidange et le changement de ses filtres. Tous, sans exception. Pendant toute la matinée, ce n’est pas moi qui est travaillé, mais je donnais volontiers un coup de main. Ensuite, il fallait nettoyer un peu la ravine toute proche, en prévision des fortes pluies qui ne devaient pas tarder à se manifester.
En travaillant toute l’après-midi dans ce nid de moustiques, à lever des pierres de plusieurs dizaines de kilos, je me doutais bien que je finirais par rencontrer un individu porteur du virus. Mais je ne me suis pas protégé davantage, comme si en mon fors, je voulais contracter la maladie. On pourra trouver mon idée stupide, mais j’ai simplement basé mon raisonnement sur l’hypothèse que le malade atteint développe une immunité. Alors pourquoi attendre que le virus se répande et finissent par muter de façon décisive ? Je préférais simplement avoir à faire avec une forme plus bénigne. Un pari ?
Ce soir, je suis vraiment fatigué. J’ai beau essayer de mettre cela sur le compte de l’effort physique, mais je sens bien qu’il est là, à l’intérieur. Alors, j’ouvre ce blog pour témoigner de ma bêtise face au virus et de ma relation avec lui.

Aujourd’hui, jeudi, je devais reprendre mon activité.
La journée s’est plutôt bien passé, il faut dire que je me suis pas donné à fond, pris d’une sorte de béatitude contemplative pour le monde qui m’entoure. En allant travailler, déjà, j’ai pu apprécier la souplesse de ma clio, probablement grâce aux additifs dans le carburant. Et désormais, je ne laisse plus un nuage de fumée noire derrière moi. Alors je me sens un peu plus responsable.
Face à mon travail, j’étais moi aussi très souple, prévenant, attentif. Et la journée s’est achevée tranquillement, même une fois rentrée chez moi par la route inverse de ce matin. Mes nouveaux pneus chinois glissent un peu dans le virages, alors je suis d’autant plus prudent, mais finalement, je n’aurais pas dramatiquement rallongé mon temps de parcours.

 

Suite à mon expérience agréable d’hier, j’ai décidé aujourd’hui d’être zen, vraiment zen. Et ça tombe plutôt bien, car je suis de service pour la journée. Alors là encore, le soir arrive à pas de velours et je rentre chez moi calmement.
Sur la route, je roule à 10 :Km/h de moins que d’habitude. Et là, une nouvelle vision de la route s’offre à moi : tout est si lent que j’ai le temps de recevoir une multitude d’informations (des bruits, des odeurs, des scènes, des sensations). Moi qui n’aime pas rouler, je dois reconnaître que j’ai pris du plaisir à faire ce trajet.
Mais une fois chez moi, je dois me rendre à l’évidence : mon état de fatigue était décidément trop grand pour être la seule conséquence du travail musculaire de mercredi. Si je compte bien, j’ai contracté le Chikungunya il y a trois jours ; ce qui veut dire que demain, je devrais être fixé.

 

La journée a été consacrée au développement en PHP et PDF, alors forcément, je n’ai pas beaucoup bougé de ma table. Mais c’était mon programme et quand le soir est arrivé, tout était accompli. Je suis assez fier de ce que j’ai produit : l’interface est facile d’accès et compacte, malgré la complexité de la structure du document de travail.
J’ai peut-être une vision perturbée de mes performances, mais j’ai tout de même l’impression qu’autant mes capacités physiques sont amoindries, autant mes facultés intellectuelles sont intactes, voire décuplées par une plus grande sensibilité.
Je suis toujours un peu courbaturé, or en temps normal, ces douleurs auraient du disparaître si elles étaient simplement dues au travail musculaire de ce mercredi. Les douleurs se sont déplacées des muscles aux articulations. Il semblerait que le cou soit le premier endroit touché, alors on verra ça demain.

Nous sommes dimanche et ce matin, levé à 4h36, un horaire inhabituel, mais conforme à mes cycles de sommeil, mes doutes se confirment : ces douleurs dans le cou, dans les doigts et les coudes, derrière les épaules ne peuvent pas être dues à un quelconque refroidissement.
En effet, nous avons dormi la fenêtre fermée à cause de la pluie incessante qui bat la campagne depuis deux jours. D’ailleurs il fait très bon chez nous et à l’intérieur, ce n’est pas du tout humide. Et je suis un habitué du mal de dos, je le subissais dans ma jeunesse jusqu’à ce que je comprenne sa source et que je la combatte.
Là, ce n’est pas le cas, même si la douleur y ressemble un peu. Mais cette fois, je n’ai pratiquement pas mal au dos. Plus de doute, je suis atteint du virus du Chikungunya.

Je sors de faire une sieste sur le canapé et me voilà pris de longues convulsions imprévisibles. Taper au clavier est délicat. Je contrôle encore suffisamment pour tenir un verre. Alors Lillule me prépare à boire deux Efféralgan pour faire descendre ces 39,0°C de fièvre, puis j’irai prendre un bain à 38,0°C.
C’est agréable de traîner dans la baignoire avec une bonne série de bandes-dessinées (je relis les trois premiers volumes de Rails de Simon & Chauvel). Régulièrement, je rajoute de l’eau à température, histoire de ne pas m’enrhumer en plus.

 

Emporté par le délire de la fièvre, je rêve de concepts abstraits, de formes insaisissables de motifs psychédéliques. Hier soir, j’ai placé une petite serviette pliée et mouillée sur mon front, dans l’espoir que cette eau, par sa forte inertie thermique, limite les poussées de fièvre.
J’ai du mal à définir ce qui m’a réveillé, si ce sont ces perturbations psychiques ou si c’est le bruit que fait l’incendie chez les voisins du haut d’où on entend des craquements impressionnants. Alors je sors, en veillant à ne pas me refroidir, pour constater que les pompiers tentent désespérément d’accéder au site. Ça fait des années qu’il n’y a plus d’incendie domestique, à croire que ces pluies continuelles perturbent les installations électriques. Hier encore, le journal annonçait un incendie en ville de Saint-Gilles ; pour le moment, l’origine de l’incendie est méconnue.
Assis devant l’ordinateur, je perçois distinctement les bruits du dehors, les mouvements des gens et mes propres douleurs. Et j’ai l’impression que la pluie reprend son activité, en espérant qu’elle soit utile aux combattants du feu.

 

J’ai du sortir consulter mon médecin. Ce n’est pas simple de réunir assez de courage pour ça. Et en plus j’avais prévu que l’humidité réveillerait mes douleurs articulaires, je serais resté chez moi, bien au sec.
Car depuis ce matin, les douleurs sont très supportables et d’ailleurs je trouve ces picotements dans les membres beaucoup plus pénibles. Le docteur m’a bien proposé un médicament homéopathique, l’eupatorium perfoliatum, contre la fièvre et les douleurs. Il paraît aussi que des infusions de cannabis et de queue de cerise sont très efficaces et renforcent l’appétit.

 

Avec ce goût amer qu’on a en permanence dans la bouche, je comprends qu’on n’ait pas envie de manger quoi que ce soit. Pourtant il faut renforcer ses défenses immunitaires. Alors que manger ?
Plutôt que de tenter une approche empirique et de tester tous les aliments, une petite réflexion devrait nous conduire à consommer des produits amers, comme du chocolat, dont le goût n’est presque pas modifié, ou de jus de pomme en brique qui prend un goût de tisane z’herbes à bouc vraiment délicieux.

 

J’ai passé la journée à observer mes variables et on peut noter une réelle amélioration de mon état de santé. Au cours de la journée, ma fièvre s’est stabilisée autour de 38,0°C et je ne subis plus de poussée comme lundi.
Par contre, je ressens des démangeaisons sur tout le corps, bien qu’il n’y ait pas de plaques rouges visibles pour le moment.
Du côté des douleurs articulaires, je ne sais pas si c’est l’accoutumance, mais je les ressens déjà moins. Sans doute aussi l’effet des traitements.
Je dois toujours faire des efforts pour avaler la moindre bouchée, avec comme arrière-pensée fataliste que ça ne sert pas à grand chose, sachant que dans les minutes qui suivent, j’aurai déjà tout évacué.

 

Aujourd’hui, je me sens plutôt bien, à part que j’ai à présent les ganglions gonflés des deux côtés des aines.
Sinon je mets à profit mon arrêt de travail pour produire des visuels de T-Shirt. Manipuler la souris dans un logiciel d’infographie est certes un peu pénible, mais c’est bien la seule chose que je puisse faire sans être aussitôt épuisé.
Ma première production est un hommage aux victimes qui ont encore la chance de pouvoir marcher courbées. Elle se compose d’un dessin de poitrine qui représente un magnifique Aedes Albopictus et d’un texte en bas de dos CHIKUNGUNYA avec des silouhettes fantômatiques qui marchent toutes le dos plié.
Je préfère ne pas publier la maquette ici, car j’attends toujours la réponse d’un imprimeur.
Finalement, mon projet a été refusé, alors je me suis resservis de mon visuel pour illustrer ce journal ! Tous les malades vous le diront, on apprend vite à relativiser, quand on est atteint du virus.

 

J’avais bien quelques démangeaisons ces derniers jours, mais rien de comparable à ce qui commence en ce moment.
Les premières rougeurs sont apparues en haut des cuisses, sous forme de plaques de petits points rouges qu’on a irrésistiblement envie de gratter.
Sinon, ma fièvre a bien baissé aujourd’hui, puisque je viens de mesurer 36,9°C ! Il faut dire que ne tenant plus, j’ai cédé à l’Advil et il faut reconnaître que ça marche.

Houlala ! Comme c’est douloureux. Je peux à peine marcher, tant ces rougeurs sont partout. Une chance que je n’en n’ai pas sur les fesses, au moins je peux rester assis. Mais je ne peux pas faire grand chose : même taper au clavier est irritant.

 

J’ai réussi l’exploit physique de ranger la maison, de faire la vaisselle et de nettoyer la cuisine. Des tâches simples mais qui étaient devenues inaccessibles pour moi, car le moindre objet prenait un poids inestimable, le moindre mouvement était devenu un calvaire. Mais aujourd’hui, pendant 1h30, j’ai pu rester en activité.
À présent, je ne décolle plus de mon bureau et je dessine tranquillement. Qu’est ce qu’elle est lourde, cette souris, alors.

 

La journée de dimanche a vraiment été reposante pour moi : plus de rougeurs, je n’ai plus cette irrésistible envie de me gratter partout, plus de douleurs articulaires ou musculaires excessives, il m’en reste bien un peu dans les mains et les pieds, mais c’est supportable.
Alors, je n’ai pas beaucoup dessiné non plus aujourd’hui, profitant de pouvoir marcher.

 

Comme je me sens un peu plus d’attaque, alors je reprends le travail aujourd’hui. Le moment difficile n’aura duré en tout que sept jours.
Je sais que tout le monde n’aura pas, si je puis dire, ma chance et que certains souffrent encore des séquelles du virus. Alors je les encourage et les soutiens dans leur combat quotidien.