Ce mercredi avait été une dure
journée. Tout d’abord, je devais offrir à ma clio une vidange et le changement
de ses filtres. Tous, sans exception. Pendant toute la matinée, ce n’est pas moi
qui est travaillé, mais je donnais volontiers un coup de main. Ensuite, il
fallait nettoyer un peu la ravine toute proche, en prévision des fortes pluies
qui ne devaient pas tarder à se manifester.
En travaillant toute
l’après-midi dans ce nid de moustiques, à lever des pierres de plusieurs
dizaines de kilos, je me doutais bien que je finirais par rencontrer un individu
porteur du virus. Mais je ne me suis pas protégé davantage, comme si en mon
fors, je voulais contracter la maladie. On pourra trouver mon idée stupide, mais
j’ai simplement basé mon raisonnement sur l’hypothèse que le malade atteint
développe une immunité. Alors pourquoi attendre que le virus se répande et
finissent par muter de façon décisive ? Je préférais simplement avoir à faire
avec une forme plus bénigne. Un pari ?
Ce soir, je suis vraiment fatigué.
J’ai beau essayer de mettre cela sur le compte de l’effort physique, mais je
sens bien qu’il est là, à l’intérieur. Alors, j’ouvre ce blog pour témoigner de
ma bêtise face au virus et de ma relation avec lui.
Aujourd’hui, jeudi, je devais
reprendre mon activité.
La journée s’est plutôt bien passé, il faut dire que
je me suis pas donné à fond, pris d’une sorte de béatitude contemplative pour le
monde qui m’entoure. En allant travailler, déjà, j’ai pu apprécier la souplesse
de ma clio, probablement grâce aux additifs dans le carburant. Et désormais, je
ne laisse plus un nuage de fumée noire derrière moi. Alors je me sens un peu
plus responsable.
Face à mon travail, j’étais moi aussi très souple,
prévenant, attentif. Et la journée s’est achevée tranquillement, même une fois
rentrée chez moi par la route inverse de ce matin. Mes nouveaux pneus chinois
glissent un peu dans le virages, alors je suis d’autant plus prudent, mais
finalement, je n’aurais pas dramatiquement rallongé mon temps de parcours.
Suite à mon expérience
agréable d’hier, j’ai décidé aujourd’hui d’être zen, vraiment zen. Et ça tombe
plutôt bien, car je suis de service pour la journée. Alors là encore, le soir
arrive à pas de velours et je rentre chez moi calmement.
Sur la route, je
roule à 10 :Km/h de moins que d’habitude. Et là, une nouvelle vision de la
route s’offre à moi : tout est si lent que j’ai le temps de recevoir une
multitude d’informations (des bruits, des odeurs, des scènes, des sensations).
Moi qui n’aime pas rouler, je dois reconnaître que j’ai pris du plaisir à faire
ce trajet.
Mais une fois chez moi, je dois me rendre à l’évidence : mon état
de fatigue était décidément trop grand pour être la seule conséquence du travail
musculaire de mercredi. Si je compte bien, j’ai contracté le Chikungunya il y a
trois jours ; ce qui veut dire que demain, je devrais être fixé.
La journée a été consacrée au
développement en PHP et PDF, alors forcément, je n’ai pas beaucoup bougé de ma
table. Mais c’était mon programme et quand le soir est arrivé, tout était
accompli. Je suis assez fier de ce que j’ai produit : l’interface est facile
d’accès et compacte, malgré la complexité de la structure du document de
travail.
J’ai peut-être une vision perturbée de mes performances, mais j’ai
tout de même l’impression qu’autant mes capacités physiques sont amoindries,
autant mes facultés intellectuelles sont intactes, voire décuplées par une plus
grande sensibilité.
Je suis toujours un peu courbaturé, or en temps normal,
ces douleurs auraient du disparaître si elles étaient simplement dues au travail
musculaire de ce mercredi. Les douleurs se sont déplacées des muscles aux
articulations. Il semblerait que le cou soit le premier endroit touché, alors on
verra ça demain.
Nous sommes dimanche et ce
matin, levé à 4h36, un horaire inhabituel, mais conforme à mes cycles de
sommeil, mes doutes se confirment : ces douleurs dans le cou, dans les doigts et
les coudes, derrière les épaules ne peuvent pas être dues à un quelconque
refroidissement.
En effet, nous avons dormi la fenêtre fermée à cause de la
pluie incessante qui bat la campagne depuis deux jours. D’ailleurs il fait très
bon chez nous et à l’intérieur, ce n’est pas du tout humide. Et je suis un
habitué du mal de dos, je le subissais dans ma jeunesse jusqu’à ce que je
comprenne sa source et que je la combatte.
Là, ce n’est pas le cas, même si
la douleur y ressemble un peu. Mais cette fois, je n’ai pratiquement pas mal au
dos. Plus de doute, je suis atteint du virus du Chikungunya.
Je sors de faire une sieste
sur le canapé et me voilà pris de longues convulsions imprévisibles. Taper au
clavier est délicat. Je contrôle encore suffisamment pour tenir un verre. Alors
Lillule me prépare à boire deux Efféralgan pour faire descendre ces
39,0°C de fièvre, puis j’irai prendre un bain à 38,0°C.
C’est agréable de
traîner dans la baignoire avec une bonne série de bandes-dessinées (je relis les
trois premiers volumes de Rails de Simon & Chauvel). Régulièrement,
je rajoute de l’eau à température, histoire de ne pas m’enrhumer en plus.
Emporté par le délire de la
fièvre, je rêve de concepts abstraits, de formes insaisissables de motifs
psychédéliques. Hier soir, j’ai placé une petite serviette pliée et mouillée sur
mon front, dans l’espoir que cette eau, par sa forte inertie thermique, limite
les poussées de fièvre.
J’ai du mal à définir ce qui m’a réveillé, si ce
sont ces perturbations psychiques ou si c’est le bruit que fait l’incendie chez
les voisins du haut d’où on entend des craquements impressionnants. Alors je
sors, en veillant à ne pas me refroidir, pour constater que les pompiers tentent
désespérément d’accéder au site. Ça fait des années qu’il n’y a plus d’incendie
domestique, à croire que ces pluies continuelles perturbent les installations
électriques. Hier encore, le journal annonçait un incendie en ville de
Saint-Gilles ; pour le moment, l’origine de l’incendie est méconnue.
Assis
devant l’ordinateur, je perçois distinctement les bruits du dehors, les
mouvements des gens et mes propres douleurs. Et j’ai l’impression que la pluie
reprend son activité, en espérant qu’elle soit utile aux combattants du feu.
J’ai du sortir consulter mon
médecin. Ce n’est pas simple de réunir assez de courage pour ça. Et en plus
j’avais prévu que l’humidité réveillerait mes douleurs articulaires, je serais
resté chez moi, bien au sec.
Car depuis ce matin, les douleurs sont très
supportables et d’ailleurs je trouve ces picotements dans les membres beaucoup
plus pénibles. Le docteur m’a bien proposé un médicament homéopathique,
l’eupatorium perfoliatum, contre la fièvre et les douleurs. Il paraît
aussi que des infusions de cannabis et de queue de cerise sont très efficaces et
renforcent l’appétit.
Avec ce goût amer qu’on a en
permanence dans la bouche, je comprends qu’on n’ait pas envie de manger quoi que
ce soit. Pourtant il faut renforcer ses défenses immunitaires. Alors que
manger ?
Plutôt que de tenter une approche empirique et de tester tous les
aliments, une petite réflexion devrait nous conduire à consommer des produits
amers, comme du chocolat, dont le goût n’est presque pas modifié, ou de jus de
pomme en brique qui prend un goût de tisane z’herbes à bouc vraiment délicieux.
J’ai passé la journée à
observer mes variables et on peut noter une réelle amélioration de mon état de
santé. Au cours de la journée, ma fièvre s’est stabilisée autour de 38,0°C et je
ne subis plus de poussée comme lundi.
Par contre, je ressens des
démangeaisons sur tout le corps, bien qu’il n’y ait pas de plaques rouges
visibles pour le moment.
Du côté des douleurs articulaires, je ne sais pas
si c’est l’accoutumance, mais je les ressens déjà moins. Sans doute aussi
l’effet des traitements.
Je dois toujours faire des efforts pour avaler la
moindre bouchée, avec comme arrière-pensée fataliste que ça ne sert pas à grand
chose, sachant que dans les minutes qui suivent, j’aurai déjà tout évacué.
Aujourd’hui, je me sens plutôt
bien, à part que j’ai à présent les ganglions gonflés des deux côtés des aines.
Sinon je mets à profit mon arrêt de travail pour produire des visuels de
T-Shirt. Manipuler la souris dans un logiciel d’infographie est certes un peu
pénible, mais c’est bien la seule chose que je puisse faire sans être aussitôt
épuisé.
Ma première production est un hommage aux victimes qui ont encore la
chance de pouvoir marcher courbées. Elle se compose d’un dessin de poitrine qui
représente un magnifique Aedes Albopictus et d’un texte en bas de dos
CHIKUNGUNYA avec des silouhettes fantômatiques qui marchent toutes le dos plié.
Je préfère ne pas publier la maquette ici, car j’attends toujours la réponse
d’un imprimeur.
Finalement, mon projet a été refusé, alors je me suis
resservis de mon visuel pour illustrer ce journal ! Tous les malades vous le
diront, on apprend vite à relativiser, quand on est atteint du virus.
J’avais bien quelques
démangeaisons ces derniers jours, mais rien de comparable à ce qui commence en
ce moment.
Les premières rougeurs sont apparues en haut des cuisses, sous
forme de plaques de petits points rouges qu’on a irrésistiblement envie de
gratter.
Sinon, ma fièvre a bien baissé aujourd’hui, puisque je viens de
mesurer 36,9°C ! Il faut dire que ne tenant plus, j’ai cédé à l’Advil
et il faut reconnaître que ça marche.
Houlala ! Comme c’est douloureux. Je peux à peine marcher, tant ces rougeurs sont partout. Une chance que je n’en n’ai pas sur les fesses, au moins je peux rester assis. Mais je ne peux pas faire grand chose : même taper au clavier est irritant.
J’ai réussi l’exploit physique
de ranger la maison, de faire la vaisselle et de nettoyer la cuisine. Des tâches
simples mais qui étaient devenues inaccessibles pour moi, car le moindre objet
prenait un poids inestimable, le moindre mouvement était devenu un calvaire.
Mais aujourd’hui, pendant 1h30, j’ai pu rester en activité.
À présent, je ne
décolle plus de mon bureau et je dessine tranquillement. Qu’est ce qu’elle est
lourde, cette souris, alors.
La journée de dimanche a
vraiment été reposante pour moi : plus de rougeurs, je n’ai plus cette
irrésistible envie de me gratter partout, plus de douleurs articulaires ou
musculaires excessives, il m’en reste bien un peu dans les mains et les pieds,
mais c’est supportable.
Alors, je n’ai pas beaucoup dessiné non plus
aujourd’hui, profitant de pouvoir marcher.
Comme je me sens un peu plus
d’attaque, alors je reprends le travail aujourd’hui. Le moment difficile n’aura
duré en tout que sept jours.
Je sais que tout le monde n’aura pas, si je
puis dire, ma chance et que certains souffrent encore des séquelles du virus.
Alors je les encourage et les soutiens dans leur combat quotidien.