Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien |
Sur quels symptômes peut-on poser le diagnostic du chikungunya ? Que proposer alors comme traitement au malade ? L’association Médocéan lance une grande enquête auprès des médecins libéraux pour éclairer un sujet sur lequel les réponses restent très diverses. Les nombreuses interrogations et incertitudes que soulève le chikungunya suscitent l’intérêt de la recherche médicale. Tandis que démarrent plusieurs «programmes hospitaliers de recherche clinique» (PHRC), les médecins libéraux eux aussi se mettent de la partie. L’association Médocéan, engagée depuis quelques années dans des actions d’évaluation et d’amélioration de la qualité en santé à la Réunion, lance une étude épidémiologique auprès des médecins de ville. Avec le souci de répondre à deux questions : selon quels critères un médecin considère-t-il qu’un patient a le chikungunya ? Que lui propose-t-il alors comme traitement ? «Officiellement un malade « chikungunyé» présente cinq signes : fièvre, douleurs musculaires, douleurs articulaires, éruptions cutanées et maux de tête, décrit le docteur Philippe de Chazournes, président de Médocéan. Mais en pratique il n’y a pas vraiment de protocole valable : on a l’impression que chaque médecin fait un peu en fonction de ce qu’il pense, c’est un peu l’anarchie et les traitement sont très disparates ». En confrontant sa propre expérience à celles de quelques confrères, le président de Médocéan a élaboré une grille de recueil de données, ensuite affinée par un test auprès de dix médecins choisis au hasard. Une partie de la grille porte sur le diagnostic d’un chik en phase aiguë. Le médecin est invité à donner son appréciation sur les nombreux critères possibles : non seulement les cinq évoqués plus haut, mais aussi une quinzaine d’autres, depuis les vomissements jusqu’à la poussée d’acné, en passant par le saignement des gencives, les vertiges, la dépression réactionnelle, etc. Du paracétamol au......zamal L’autre partie de la grille porte sur les thérapeutiques prescrites par le praticien ou aux quelles les patients indiquent avoir recouru d’eux mêmes. La liste ici va du paracétamol au....zamal, en passant par les anti-inflammatoires, la Nivaquine, la kinésithérapie, l’homéopathie, les plantes etc. Après avoir été présenté au grand séminaire de recherche sur le chikungunya, à Paris, les 11 et 12 avril derniers, le questionnaire – auquel était jointe une enveloppe dispensée d’affranchissement pour la réponse – a été adressée 1 135 médecins libéraux (719 généralistes et 416 spécialistes) de l’île. A la date d’hier, Médocéan avait obtenu plus de 200 réponses : un chiffre que le docteur de Chazournes s’attend à voir passer à 250 (la date limite de renvoi du questionnaire étant fixée au 30 avril) et qu’il qualifie d’ « énorme », tant sont généralement modestes les taux de retour dans ce genre d’enquête. Les réponses viennent « de tout horizon, aussi bien géographique que syndical » ; elles émanent de la part tant des généralistes que des spécialistes (en particulier dermatologues, rhumatologues, psychiatres..). Elle représentent «une mine d’informations, s’enthousiasme le praticien dionysien. On a l’impression que les médecins se sont servis de ce questionnaire pour s’exprimer. C’est la première fois qu’on leur demande leur avis sur une pathologie. C’est une sorte de référendum». Le questionnaire est anonyme, mais « l’immense majorité de ceux qui ont répondu ont mis leurs coordonnées afin d’être recontactés pour d’autres études», précise-t-il. Le président de Médocéan, qui indique s’être attiré l’aide de l’Inserm pour le traitement des réponses, compte avoir les résultats de l’étude fin juin, en tout cas avant les vacances d’hiver. Dores et déjà, il esquisse un autre travail de recherche possible : examiner la corrélation entre les diagnostics de chikungunya posés et leur réalité sérologique. Actuellement, entre 30 et 40% des diagnostics de chikungunya établis sont contredits biologiquement, selon le président de Médocéan. Hervé SCHULZ |